24.7.15

Les Œufs de Barjavel :
Le Voyageur Imprudent

Le voyageur imprudent
René Barjavel
(Ed. Denoël, 1944)
Ed. Gallimard Folio, 1996

Pierre Saint-Menoux, mathématicien mobilisé dans la « drôle de guerre », est invité par un mystérieux infirme, Noël Essaillon, à prendre part à ses travaux secrets. Le savant qui a découvert comment voyager dans le temps par l'intermédiaire de pilules et d'un scaphandre spécial, veut étudier la destinée de l'humanité par une série d'explorations de plus en plus avancées dans le futur. Au plus loin de ses voyages, Saint-Menoux se rend en l'an 100 000 et rapporte ses observations d'un monde totalement transfiguré, où la notion d'individu est balayée au profit d'une société où chaque être œuvre pour le bien collectif. Annette, la fille d'Essaillon, seconde les travaux des deux hommes.

[...] Pierre s’étonna d’arriver, en l’an 2052, au pied du Sacré-Cœur. Il se trouvait au bas des escaliers. Devant lui, les dômes qu’il connaissait bien dressaient leurs silhouettes inchangées. Leur couleur s’était assombrie. La pierre blanche avait pris la teinte sale qui maquille tous les monuments de Paris. Saint-Menoux se retourna pour jeter un coup d’œil sur la grand-ville. Paris avait disparu. 
À sa place, le jeune homme, stupéfait, vit un champ de ciment plat. Çà et là s’élevaient quelques bâtiments de peu d’importance et une grande quantité d’objets de forme ovoïde, de la taille d’une maison de deux étages, bâtis en une matière transparente, colorée. Autour de chacun de ces œufs démesurés s’enroulaient les spires d’une sorte de vis gigantesque. Quelques-uns se tenaient debout, comme l’œuf de Christophe Colomb, mais la plupart étaient renversés, et beaucoup d’entre eux brisés. Ce qui sembla le plus étrange à Saint-Menoux fut le manque d’animation du paysage. Il n’aperçut pas un être vivant.
Le doigt sur le bouton du vibreur, prêt à disparaître, il s’avança vers le plus proche de ces objets. Un vent violent, extrêmement chaud, s’opposait à sa progression. Il dut se courber pour marcher. Il commençait à transpirer. Le soleil dégageait une chaleur de tropique. Saint-Menoux arriva près de l’œuf gigantesque. Il était couché sur le côté, et fendu. Il semblait avoir chu du haut des airs. Une intuition illumina la pensée du jeune professeur. Il se trouvait sur un aérodrome, et ces ovoïdes entourés d’une hélice, c’étaient les avions nouveaux. Mais quelle catastrophe avait pu provoquer la chute de tous ceux dont il apercevait les débris ? [...]
Extrait

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